** octobre 2007
Retour d’une nouvelle mission de
découverte sur le terrain, quelques instants volés à cette étrange atmosphère
du TGV du soir, qui rapatrie sur la capitale sa fournée de consultants en tous
genres… J’aime bien ces escapades, où, au lieu de cogiter toute la journée dans
mon aquarium –bureau tout en baies vitrées au rez-de-chaussée d’un centre
d’affaires- sur les clauses obscures d’un contrat ou un projet de directive
européenne, je pars au grand air visiter quelques installations du groupe
Turbin. C’est à la montagne que l’on trouve le plus grand nombre de nos
installations. Aujourd’hui, avec la Savoie au menu, j’ai eu autant de chances
que les fois précédentes, Pyrénées et Jura : un grand soleil, les couleurs
flamboyantes de l’automne, l’air chaud des thermiques qui monte le long des
falaises. L’illusion d’un peu de liberté.
C’est bien sûr l’occasion
d’apprendre le métier, de se frotter à nos technologies avancées. J’imagine que
la première fois que l’on m’a mis sous les yeux un roulement à billes ou un
condensateur, je devais ressembler à une poule regardant une paire de ciseaux.
J’ai appris à lancer les bonnes questions (celles qui laissent supposer un
intérêt, celles qui flattent mon hôte), à poser un regard connaisseur sur les
machines (avec des ‘hum hum’, des hochements de tête entendus, des petits
sifflements admiratifs). Une gentille
comédie, de toute façon j’ai l’habitude. Ils y trouvent leur content, mon
président m’a confirmé sa satisfaction –et l’augmentation de 10% de mon salaire
en janvier prochain.
Ce que je préfère, je pense, ce
sont les parenthèses de convivialité –car comme dans un album d’Astérix, tout
cela s’achève forcément en banquet. J’ai le coup de fourchette solide, jamais
je ne renâcle devant l’obstacle d’une belle bouteille. Hommage à cette poularde
de Bresse et son Château-Chalon, bravo à ce sandre aux cèpes, viva Calon-Segur.
Aujourd’hui, j’ai eu droit à de la cuisine maison : une fantastique
cocotte en fonte, où avaient mijoté toute la matinée encornets et moules
farcies à la sétoise.
Bon, je ne passe pas mon temps à
me goberger : en temps normal, dans mon aquarium, j’avale vite fait bien
fait une tartine, un œuf dur, un yaourt, une boisson protéinée. Arf, on dirait
un menu pour le restaurant « Chez Marc-Aurèle ». (© Matoo).
J’essaie d’avoir une vie à
côté : le club des vieilles toujours aussi actif animé, de la culture, du
sport aussi.
Pour le reste ? La garçon au
sms n’est plus dans le paysage, une drôle d’histoire, je la raconterai très
vite. Qu’importe, de toute façon, je suis dans ma phase ostréimorphe, je ne
répond plus au téléphone, j’efface systématiquement les sms avant de les lire
(sauf si c’est ma mère ou une copine du club des vieilles). J’ai essayé de socialiser, rézob et consort ;
je suis rassuré par mon petit succès, mais de petits désagréments – je ne
préfère pas m’étendre, mais non, ce n’est pas une chaude-pisse- ont vite freiné
mes velléités de décélibage.
Je rentre de nouveau tout
doucement dans une douce torpeur, celle de la routine et de la résignation.
Avec toujours cette douloureuse impression d’être un ovni dans ma vie et celle
des autres. Sans avoir raté mon petit bout de chemin, d’être passé à côté de ce
que j’espérais, de ce que j’aurais pu ambitionner. Il faudrait me rendre à
l’évidence : je ne serai jamais *** ou ***. Est-ce grave pour
autant ?
N’importe qui dirait non. Et, en
temps normal, je dirais la même chose.
Mais pas ce soir.
Il m’arrive un truc pas normal, je
crois que je vais filer aux urgences.
[MàJ : fausse alerte, j’ai un peu flippé pour rien. Il y a quelques
années, face aux mêmes symptômes, j’avais mis quelques semaines à consulter.
Les dégâts auraient pu être irréversibles, le lourd traitement m’avait mis sur
les genoux. Je me suis promis depuis d’être plus prudent, tout en me gardant de
devenir hypocondriaque…]
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