Hutte aux roseaux, 4 février 1940
[...]Ce vin me procura durant toute la nuit de façon légère et agréable des images claires à fond coloré. Le vin seul réussit de tels tours de force, encore ne sont-ce que les crus les meilleurs et les plus purs; ils ressemblent à des clefs qui n'arrivent pas à ouvrir tous les coeurs. Je me rappelle encore un Parempuyre que j'ai bu avec papa, mais surtout un léger vin blanc de pays qui nous fit passer la nuit à Carcassonne et qui nous égaya en quelque sorte jusqu'à la moelle. Lorsque j'en voulu commander un fût, j'appris que ce cru perd son arôme dès qu'il s'éloigne un peu de son terroir. Un tel vin ressemble à une trouvaille, à un ami, autour duquel il faut s'empresser lorsque l'on atteint l'âge où l'on ne boit plus au hasard.
Ernst Jünger, Jardins et routes, Ed. La Pleïade, p.86
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