Lundi 6 janvier
Séance de sport avec coach Yoann.
Mardi 7 janvier
Je suis obligé de décliner la proposition alléchante d'un ami, qui me propose une place pour l'opéra Einstein on the beach de Philip Glass au Châtelet. Mais j'ai une grosse échéance demain, et, quitte à m'offrir une distraction, je préfère quelque chose de plus ramassé.
Ce sera donc un petit ciné avec La Sauvette. Oui, c'est son surnom dans mon répertoire téléphonique. Et c'est de sa faute aussi, depuis un échange de sms où il essayait de trafiquer des tickets de métro.
Le film, c'est Aime et fais ce que tu veux, de Malgorzata Szumowska. J'avoue, à la première critique que j'ai lue, je suis passé un peu vite sur le nom de la réalisatrice dont je n'avais retenu qu'une sonorité japonaise. La. Honte.
C'est donc l'histoire d'Adam, un prêtre qui dirige avec une réelle conviction altruiste un foyer pour adolescents en rupture familiale et sociale au fond de la campagne polonaise. Parallèlement au fil des petits et des grands drames qui jalonnent le quotidien de cette petite communauté se développe très discrètement une relation particulière avec un des garçons du groupe, qui, lorsqu'elle sera révelée, viendra bousculer des existences déjà bien cabossées.
La fin est inattendue, limite grinçante et incorrecte. Je ne la spoilerai pas ici, non pour éviter le risque -inexistant- de pourrir le plaisir d'un futur spectateur.
La seule critique que j'avais lue (et peut-être n'aurais-je pas dû avant de le voir), dans Le Monde, n'est pas tendre -et c'est un euphémisme- avec le film :
Brassant les symboles religieux avec une frénésie décorative assez vite lassante, son film néglige de se poser les questions les plus évidentes et les plus importantes, notamment celle de la sincérité du sentiment religieux.
Adam a-t-il jamais eu la foi ? L'a-t-il perdu ? L'a-t-il encore ? Ou bien sa « vocation » ministérielle n'a-t-elle jamais été qu'un choix de carrière comme un autre ? A peine effleurée verbalement à coups d'aphorismes énigmatiques (« La course aussi est une prière » en commentaire de sa pratique du footing), la question s'efface au profit d'une mise en scène de la tentation fonctionnant totalement à vide. En dépit de l'interprétation convaincue et convaincante d'Andrzej Chyra, Adam se débat dans le vide ou face à des moulins à vent, et Aime et fais ce que tu veux évite certes la polémique, mais brasse de l'air.
Toute l'énergie de la réalisatrice est manifestement absorbée par les multiples jeux formels que lui inspirent les références bibliques à sa disposition. Courte barbe et cheveux longs, regards appuyés et sourire mélancolique, son Lukasz est l'exacte correspondance de ces icônes bon marché qui fleurissent sur les lieux de pélerinage. Sous couvert de lui apprendre à nager, Adam le « baptise » pour la caméra, presque nu dans ses bras au milieu d'un cours d'eau que caressent les rayons du soleil filtrant entre les branches.
La référence facile embrasse l'érotisme facile, les orages se déclenchent à la demande pour annoncer, comme les trompettes angéliques, les déferlements furieux de la passion, le clergé incompétent est survolé sans que l'on prenne le temps de s'interroger vraiment sur le sujet pourtant intéressant du comportement de la hiérarchie ecclésiastique face au cas du prêtre amoureux.
Sans être aussi sévère, c'est vrai que j'ai un peu de mal à comprendre l'attirance du prêtre pour Lukacz, qui dégage le charme d'une endive blette, et qui semble n'avoir qu'un seul regard "éploration-reconnaissance-attente" à son registre. Le gars ne décoche pas trois mots, n'a aucune discussion. Et d'un point de vue homoérotique, son physique est sans intérêt; sauf effectivement pour un prêtre, qui exprime par son désir d'un sosie du Christ, cheveux longs et légèrement ondulés, corps sec, tee-shirt mouillé qui fait office de suaire, un sous-complexe d'Oedipe mal résolu avec Dieu-le-Père.
Le personnage principal n'en demeure pas moins très touchant par ses faiblesses, son besoin de tendresse, son sentiment d'isolement, qu'il compense par l'alcoolisme et le dévouement.
Mercredi 8 janvier
Déjeuner rapide avec La Sauvette. Je jette un dernier oeil aux quelques pages de notes préparée pour mon entretien de cet après-midi avec le président d'une boîte susceptible de me recruter. Au cours du rendez-vous, j'ai l'impression que ça se passe de façon intelligente, plus pour jauger de notre compatibilité respective et de mes ambitions pour la mission, plus que pour évaluer mes compétences qui semblent évidentes à ses yeux. C'est une création de poste ce qui élimine le risque de voir son action comparée et jugée à celle d'un prédécesseur.
Comme c'est le premier jour des soldes, j'en profite ensuite pour décompresser en faisant un peu chauffer la carte bleue -rien que pour de l'indispensable ceci dit.
Le soir, je reste en mode décompression chez la Vilaine Lulu. French 75 et champagne pour se désaltérer, petits fours salés et mini-pavlovas en dessert. Je décide de prendre Lady Pawlowa comme nouveau nom de scène avant de regagner mes pénates, en roulant plus qu'en marchant. Heureusement la route jusqu'à chez moi est en descente.
Jeudi 9 janvier
Je regarde en replay Einsatzgruppen diffusée sur France 2 hier soir; je l'avais déjà vu il y a trois ou quatre ans. Même si je n'apprends rien de nouveau, comme à chaque fois, j'en sors dévasté. Je retiens en particulier cette série de photographies d'un groupe de juifs lituaniens, le 15 décembre 1941 sur une plage Liepaja. Sur les premières, une dizaine de femmes et d'enfants assistent à l'exécution d'un autre groupe, se réconfortant comme ils peuvent tout en sachant la fin inéluctable. Avant des le voir debout, au bord de la fosse, humant désespéremment un dernier souffle de vie, dos aux bourreau, attendant la balle qui d'une seconde à l'autre viendra les faucher. Pour enfin les découvrir, sur la dernière vue, amas sanguinolant au fond de leur dernière demeure de sable.
Et j'ai du mal à comprendre comment DIeudonné et ses adorateurs peuvent sans se poser de questions sur leur propre humanité se réjouir que des humains -abstraction faite de leur origine et de leur religion- aient été niés, détruits, liquidé avec une telle violence, et d'une façon aussi systématique et qu'ils regrettent même que le "travail" n'a pas été fini.
Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit
Vendredi 10 janvier
Pour souhaiter la bienvenue à V. qui rentrera très tard après avoir passé la semaine en déplacement professionnel en Hongrie, je passe chez lui déposer chez un petit bouquet de roses et de la brioche pour son petit-déjeuner de demain.
La Vilaine Lulu me rejoins dans la soirée pour regarder Femmes de Cukor en grignotant des blinis au saumon. C'est un festival de répliques fielleuses dont on ne peut se lasser.
THE WOMEN(1939)(Dir.George Cukor)(USA) par psRanger
Jungle Red !
Samedi 11 janvier
Mini psychodrame familal parce que je n'ai pas répondu au sms envoyé par ma soeur il y a deux jours, elle s'inquiète donc auprès des parents, qui s'inquiètent donc à leur tout pour rien ("Et si tu étais à l'agonie?" -oui, je le jure, j'ai gardé le sms comme preuve). Ils sont en route vers la région parisienne, pour la traditionnelle rencontre familiale de début d'année. Comme systématiquement depuis vingt ans, et malgré, paraît-il, la demande exprimée par mes cousines l'année dernière, je décline l'invitation.
Petit plaisir dans l'après-midi, quand, alors je rentre dans un magasin de chaussures, le (charmant) patron fait un signe en direction de mes pieds en lançant un enjoué "Ah, je les reconnais celles-là!" -sachant que j'ai effectivement acheté ces boots il y a déjà quatre ans chez lui.
Poursuivant dans vers le Marais, je m'approvisionne en caviar d'aubergine et autres harengs hâchés chez Finkelsztajn - traiteur que chez nous on appelle par raccourci juste "le juif", ce qui pourrait donner lieu à de savoureux quiproquo si on nous entendait nous réjouir entre nous que "ce soir on mange du juif".
Avec V. nous retrouvons aux Halles la Vilaine Lulu, pour voir le Yves Saint-Laurent de Jalil Lespert. Joli casting, jolis décors, jolis costumes, jolie photo, jolis dialogues. Je regrette le caractère finalement trop lisse de l'opus, qui lâche juste ce qu'il faut de sensible pour être crédible sans être déagréable à Pierre Bergé. J'aurais aimé en voir plus sur le processus créatif (au delà du "pouf, j'ouvre un catalague d'une expo Mondrian, oh tiens, si je faisais des robes Mondrian!") et surtout sur l'acidité des rapports du couple avec Karl Lagerfeld, comme Alicia Drake le rappelle dans Beautiful People. On verra si le film annoncé de Bertrand Bonello égratigne un petit peu plus efficacement le mythe -sans forcément briser l'icône.
Souper tardif (cocktails, zakouskis yiddish, tarte au chocolat maison).
Dimanche 12 janvier
Nous avons invité nos adorables voisins de palier à partager une galette; je suis assez content de la frangipane.
Mon père m'envoie mail sur mail pour que je n'oublie pas l'anniversaire de Mammé, ses 61 ans c'est aujourd'hui. Je n'ai jamais failli de ma vie, je ne vois pas pourquoi ça devrait arriver aujourd'hui et pourquoi il s'active comme ça.
Bon anniversaire Mammé !
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