Ce n’est pas parce qu’on part en vacances qu’on doit laisser ses neurones s’engourdir. Je profite donc de ces heures de lézardage en terrasse pour faire une cure de lectures plus ou moins (f)utiles, plus ou moins indispensables et, pour tout avouer, plus ou moins heureuses.
Dans le lot : Psychologie Magazine (j’ai pris le petit format, je crois que c’est moins cher).
Y a des trucs marrants, qui volent pas haut mais qui font sourire, des test à la mord-moi-le-nœud (oh oui !) qui vous aident à répondre à des questions cruciales. Comme « quelle lumière dégagez-vous » ? (mais Darling, moi je dégage pas de la lumière, je rayonne, tout simplement). Pour ceusse que ça intéresse, d’après ledit magazine, ma lumière à moi, c’est l’aube (pour d’autres c’est la Marne ou la Haute-Saône, z’ont pas de chance, pouf pouf) : « Enjoué (la preuve), curieux, audacieux, vous dégagez autant d’énergie que de gaîté (ben tiens ;-). Frais et vif comme la lumière du matin (en même temps, faut voir la lumière du matin parisien mi-novembre…), vous n’avez pas votre pareil pour briser le ronron des habitudes (ouaip, avec moi c’est plutôt « groOaaâârrRRR »). Un peu rebelle (car vaut mieux être belle et rebelle que moche et remoche, j’adore la replacer celle-là), un peu provocateur, vous ne lésinez sur aucun moyen lorsqu’il s’agit de combattre l’ennui (sauf aller au Dépôt, quand même !). La note secrète de votre féminité virilité : un charme pétillant ». Bon, ben globalement, je vote pour.
Mais assez digressé. Il y a aussi des lignes qui me font hurler. Notamment le papier de Claude Halmos, psychanalyste chargée du courrier des lecteurs du redit magazine, qui nous inflige donc son compte-rendu du ‘livre du moi’ (je pourrais être embauché par leur rédaction comme spécialiste des titres pourris avec mon doctorat ès calembours foireux). A l’honneur donc : « Ecoliers, vos papiers », de Anne Ginzburger.
« En 1942, en France, des pères et des mères ont dû expliquer à leur enfant devant un square qu’il ne pouvait pas y entrer avec ses copains parce que lui il était … « juif ». On sait des dizaines d’années plus tard, de quelles souffrances psychiques ces enfants –et leur descendance- l’ont payé. Va-t-on recommencer ? Anne Ginzburger, qui a écrit son livre avec le réseau Education sans frontières, raconte le combat que mènent pour que cesse cette infamie, ceux qu’elle appelle « les justes ». Lire son livre est aussi une façon de les rejoindre ».
Et là je dis stop, halte à la connerie (car c’en est bien une) et à la falsification :
- tout d’abord, sans rentrer dans le jeu de la concurrence victimaire, on peut difficilement mettre sur le même plan les juifs de l’époque et les enfants sans-papiers aujourd’hui. Les politiques antisémites mises en œuvre sous le Reich à l’avènement du nazisme et en France durant la seconde guerre mondiale visaient à dénier aux juifs jusqu’à leur dimension humaine. Le juif était réduit à l’état de chose, de « Stück » (unité, morceau) sans aucun droit afférent, à la merci de l’arbitraire, pouvant être abattu d’une seconde à l’autre, dont on pouvait s’approprier les biens sans scrupule. Les sans-papiers d’aujourd’hui, s’ils peuvent bien sûr être exploités par des patrons-négriers des temps modernes, ou escroqués par des marchands de sommeil qui louent à des prix hallucinants des chambres insalubres, ne sont pas dans la même situation : les enfants ont le droit (et même le devoir) d’être scolarisés, ils peuvent bénéficier d’un filet minimum de protection sociale, ils peuvent faire valoir leurs arguments devant la justice pour justifier de leur maintien sur le territoire français (mais en général, c’est justement parce qu’ils n’ont pas pu/su présenter un dossier assez étayé dans le cadre de la procédure de demande d’asile qu’ils se retrouvent clandestins un fois déboutés). Et on ne peut (heureusement) pas trucider impunément un sans-papier aujourd’hui. Alors les militants de la cause sans-papière trouveront toujours qu’il n’y a pas assez de droits, pas assez de garanties de ces droits, et que les procédures sont faites pour les faire systématiquement perdre. Ca peut se défendre, ça peut se contredire, mais être un juif parisien en 1943 et un sans-papier chinois en 2006, ça n’a rien à voir.
- d’autre part, les enfants (et les adultes) juifs qui se sont vu appliquer un statut spécial n’étaient pas des étrangers. Dans leur majorité, en Allemagne comme en France, c’étaient de bon patriotes, des petits Français, des petits Allemands, pour lesquels leur intégration dans la société nationale relevait de l’évidence et qui avaient par exemple à cœur de faire valoir les faits d’armes de leur père durant la première guerre mondiale. Et qui, du jour au lendemain, ont découvert qu’ils ne faisaient plus partie ni de la nation, ni de l’humanité. Les sans-papiers sont quant à eux dans leur situation en connaissance de cause. Ils sont soit entrés clandestinement en France (et pas à l'insu de leur plein gré), soit entrés régulièrement et restés en France à l’expiration de leur visa, soit –et cette option n’est exclusive d’aucune des deux précédentes- se sont maintenus sur le territoire après le rejet de leur demande d’asile. Ils savent qu’il y a des règles, ils les contournent à dessein : c’est un jeu dans lequel on peut être gagnant, estimer qu’il vaut mieux être dans cette situation que dans une autre bien pire dans son pays d’origine, mais on peut aussi se faire attraper et perdre. On ne les a pas pris en traître, genre « venez venez y’en aura pour tout le monde » pour les mettre ensuite à la porte.
- enfin, sur la question des Justes, celle qui me hérisse le plus. Dans l’affaire des sans-papiers, et singulièrement sur le dossier des enfants, on peut bien sûr avoir une opinion plus ou moins ouverte ou restrictive, et libre à chacun de s’engager plus avant pour soutenir cette cause. Mais n’importe quel observateur un peu attentif remarquera que la dimension politique a très rapidement pris le pas sur l’approche humaniste. L’enjeu n’est pas simplement de permettre à quelques enfants de rester en France, c’est surtout de dire que Sarqo et la droite sont des sales fachos qui «raflent » et « chassent » les enfants (c’est la terminologie officielle du mouvement) alors qu’à gauche, et encore un chouïa plus à gauche, on est les seuls ouverts, généreux, et, pour tout dire, humains. Il y évidemment des gens très bien qui se mobilisent pour ces enfants, des émotions sincères, des angoisses réelles. Mais de là à s’auto-décerner le titre de Juste !?! Alors petit rappel historique pour Mâme Halmos, les Justes, durant les persécutions, sont ceux qui ont protégé les Juifs, les ont cachés, les ont soustraits aux rafles. Ce sont ceux qui ont associé leur destin à celui de victimes, au péril de leur propre vie et de celles de leurs proches. Des héros, simples et immenses dans leur humanité. Qui ne se sont jamais prévalu de leur action, qu’il a fallu aller chercher grâce à la "dénonciation" bienveillante de ceux qu’ils avaient aidés, et dont la discrétion et la modestie face aux honneurs qui leur étaient rendus forcent l’admiration. Pour leur part, que risquent ceux qui s’engagent aujourd’hui pour les sans-papiers ? Rien, à part passer sur France Culture le matin et au JT de France2 le soir. Des poursuites pour aide au séjour irrégulier ? Peu de chances qu’elles soient engagées, on sait qu’ils seraient trop heureux de pouvoir jouer les martyrs et bénéficier ainsi d’une tribune médiatique inespéré. Ce sont des militants, qui, comme tous les militants donnent de leur temps, de leur argent j’imagine, de leur intelligence et de leur cœur. Alors oui, on peut juger la cause de RESF suffisamment légitime pour les encourager –avec, je le répète, plus ou moins d’arrière-pensées. Certes, en achetant ce livre, on peut mieux les connaître, et aussi les financer. Se donner bonne conscience à peu de frais et sans trop réfléchir sûrement. Pour le reste, devenir un héros ça n’a pas de prix. Il y a des choses qui ne s’achètent pas.
Et pour le reste il y a Maîtrecarte.
"Cessez de culpabiliser pour rien", ça nous est aussi destiné?
Rédigé par : KiKi | 03 septembre 2006 à 18:54
Kiki > Vouiii, je pense bien mon coquin! j'ai d'ailleurs failli commencer le post par : "Un proverbe de par chez nous dit que les catholiques ont inventé le pardon, et les juifs la culpabilité"... Alors cesser de se culpabiliser pour rien, se serait se renier! Je m'en veux rien que d'y penser ... ;-)
Rédigé par : solal | 03 septembre 2006 à 20:08
La mise en quarantaine scandaleuse par l'entreprise de blog, blogspirit, indique la capacité de censure minable à laquelle s'exerce cette entreprise pré-fasciste.
Retrouvez enfin Hirsute en ligne, et avec beaucoup plus de ferveur encore (textes libres, énervés et sans concession) : http://andy-verol.blogg.org
Rédigé par : Andy Verol | 30 septembre 2006 à 23:20
Je vais essayer d'être clair, si ce n'est pas le cas, je m'en excuse par avance. Sans revendiquer quelque couleur politique que ce soit, ton texte m'énerve. Alors ok mettre les juifs de la seconde guerre mondiale et les sans papiers d'aujourd'hui sur un pied d'égalité je suis complètement contre aussi.
Mais il ne faut pas oublier une chose: l'Europe a créer l'Etat-nation, l'Europe a eu ses colonies, l'Europe a exporté tous ces modèles (droit, conception des relations internationales..). Et aujourd'hui, l'Europe (mais en fin de compte l'Occident) monstrueusement riche veut fermer ses frontières? Mais autant leur envoyer la bombe...
On a eu besoin de l'immigration, on en a encore besoin, et on en aura réellement besoin une fois que le papy boom sera enclenché (2010 si je me souviens bien sera le début de la fin chez nous). Mais non il ne faut pas d'étrangers, il ne faut pas de pauvres étrangers chez nous. On stigmatise ces gens qui sont attirés par nos pays comme des papillons sont attirés par la lumière la nuit. On a créé cette situation, il serait temps de s'en souvenir et d'assumer un peu. Il y a suffisamment de richesse en Europe pour un redistribuer un peu. Et puis d'ici 20 ans on sera 15 millions de plus en France, on ne sera pas trop nombreux? Non, donc je ne vois pas pourquoi maintenant quelques millions d'étrangers déstabiliserai notre société...
Bref je ne suis pas un militant aveugle des sans papiers, non, je suis pour que ces gens qui demandent le droit de vivre dans des conditions décentes soient entendus et respectés.
Désolé pour ce com un peu long, bonne journée.
Rédigé par : Gauthier | 13 octobre 2006 à 14:58
(content de voir que tu es de "retour")
Pour réagir à propos de tes trois arguments, quelque chose me chiffonne. Evidemment, comparer la cueillette des enfants sans papiers à la rafle des enfants juifs, c'est très différent.
Ceci dit, si l'analogie est évidemment politique et remporte haut la main un point Godwin, je m'interroge quand même. Quelque part, l'effet que cela peut avoir pour des gamins d'être ramenés de force de l'école par des gendarmes ou des policiers, ça ne doit pas être super positif.
Par ailleurs, ton deuxième argument est, lui, fallacieux. Il sert bien à montrer que la situation était différente en terme de statut (enfants juifs = étaient des allemands ; enfants cueillis aujourd'hui = sont des étrangers). Sauf que l'argument est bancal : en quoi cela viendrait invalider l'analogie avec les enfants juifs ? Les gosses savent-ils la vraie différence qu'il y a entre "faire partie de la Nation" et "être un étranger" ? D'autant plus qu'à l'époque, les juifs allemands n'étaient justement plus considérés comme faisant partie de la Nation, justement (cf. droit du sang porté à son paroxisme dans le délire falsificateur du nazisme). Et surtout, ne pourrait-on pas retourner ton argument comme une crêpe en disant : "Les enfants cueillis aujourd'hui sont des étrangers, donc contrairement à l'époque du nazisme, cela justifie complètement ce genre de cueillette à l'école" ? Parce que m'est idée que les gosses n'ont pas spécifiquement conscience de cette idée d'appartenance nationale - sauf lors de la cueillette par les gendarmes : là, ils commencent à comprendre douloureusement cette différence. Bref, c'est - il me semble - un argument qui peut glisser vers une ambiguité (même si, évidemment, je sais très bien que ce n'est pas ce que tu voulais dire).
Autant il me semble réducteur d'établir un parallèle entre cette situation et les rafles nazis et vichissoises des années 40, autant il me semble réducteur de ne considérer les effets sur les enfants de sans-papiers actuels qu'en analysant les choix de migrer de leurs parents (en sortant un machin comme : "Ils connaissaient les règles, ils ont joué, ils ont perdu, c'est bien fait pour leur gueule"). Les enfants sont, me semble-t-il, au-dessus ou plutôt en dehors, de ce genre de considérations.
Rédigé par : Urobore | 20 octobre 2006 à 19:23
T'as décidé de ne plus faire qu'un commentaire par mois? c un nouveau concept? REVIENS ICI TOUT DE SUITE SOLALINOU!!!!!
Rédigé par : S. | 01 novembre 2006 à 06:12