Le mercredi matin, traditionnelle réunion hebdomadaire du conseil d’administration. Ca se passe au même moment dans presque toutes les filiales du groupe. Forcément, parce que, au même moment, tous les PDG du groupe se retrouvent en comité stratégique. On est sûrs d’être tranquilles pendant ce temps là, et que le boss ne débarquera pas à l’improviste pendant nos discussions oiseuses.
On est censés se
retrouver à dix heures dans le grand salon, avec son lustre de
quatre tonnes et ses roulures moulures dorées. Au début,
c’est la récré, on tape la bise aux collègues,
on s’échange les infos du matin, les commentaires sur les
derniers potins sortis dans le Canard enchaîné. Sur une
des deux cheminées du salon, des tasses de porcelaine fine et
des thermos de thé et de café. Histoire de se booster
un peu avant le grand guignol.
Pour le service, il y a
toujours un maître d’hôtel. Pas forcément le
même, ils tournent. J’avise celui du jour : jeune, plus
petit que moi, bien fringué, son costume tombe impec, cravate
classe, une étincelle dans le regard, bref une bonne chtite
bouille de mec intelligent.
Je suis d’extraction
modeste, je pense que ça me donne l’avantage de savoir
parler au petit personnel : avoir conscience de sa position, en
respectant celle de l’autre. Je m’autorise un « bonjour »
cordial et souriant, en faisant mine de vouloir attraper une tasse
pour me servir. Le scénario classique veut qu’à ce
moment là le maître d’hôtel prenne les devants
en insistant : « attendez, attendez, je vais
vous servir, je vous mets un sucre aussi ? ». Là
rien, il continue à sourire. Je l’interroge du regard –pas
de réaction – avant de lui demander dans quel thermos est le
thé. Penaud et interloqué, je me sers moi-même
–légèrement vexé il faut l’avouer. C’est
pas parce que je suis relativement jeune par rapport à notre
assemblée que je n’ai pas droit aux mêmes égards
que les autres quand même. Je ravale mon orgueil mal placé,
et le regarde en biais, pendant que je pioche un sucre, verser un
café dans une tasse destinée, j’imagine, à un
des mes collègues plus gradés.
Je rejoins ma place, le
temps de bavasser trois minutes avec ma voisine, et la réunion
peut commencer, avec les vingt minutes de retard rituelles.
Le président du
conseil d’administration s’assoit, allume son micro, et nous
adresse un salut collectif. Puis enchaîne : « Chers
amis, je vous présente Benoît, votre nouveau
collègue… ». Les regards se tournent dans la
direction indiquée… et –je commence à en avoir
l’habitude- me liquéfie en constatant que le Benoît en
question n’est autre que le jeune homme que j’avais pris pour le
majordome. Oups.
Il m’a pardonné
depuis, nous nous sommes vus quasiment tous les jours de cette
première semaine. Par trois fois, il s’est assis à
coté de moi au déjeuner –ou était-ce
l’inverse ? Il a même poussé la témérité,
hier, à poser à trois reprises sa main sur mon
avant-bras au cours du repas pour appuyer ses propos.
Maintenant, faut que je le fasse scanner par Lolito, mon secrétaire au gaydar infaillible.
Mais il avait compris que tu l'avais pris pour le maître d'hôtel ?
Parce qu'à te lire, ce n'est pas évident.
Dire "Bonjour" ou même "Dans quel thermos est le thé ?" ne veut rien dire. Tu peux très bien demander à un collègue s'il sait dans quel thermos se trouve le thé.
Lui aurais-tu posé une question plus piégeuse ?
Ya vraiment que dans pédés, dans ces conseils d'administrations de ta boîte... :-)
Rédigé par : XIII | 29 janvier 2005 à 14:21
Moi je veux bien être embauché si c'est pour te servir de radar à gay :) Voiture de fonction ? Petit-dej au lit . Hotels luxueux lorsqu'on doit partir hors de Paris ? hmmmm :)
Rédigé par : lecapitan | 29 janvier 2005 à 14:54
la gourde ! Bon c'est comme ça qu'on t'aime
Rédigé par : phil | 29 janvier 2005 à 15:00
"je vous mets un sucre aussi"...? pourquoi aussi ?
Rédigé par : martine | 29 janvier 2005 à 15:50
Surtout une question : Que faisait-il scotché au buffet comme s'il en était justement le maître d'hôtel ? Je pense que j'aurais fait la même erreur en restant devant en en lui demandant un thé,vert s'il vous plait si vous avez. et de lever un sourcil interrogateur ne voyant rien venir. On est plus servi de nos jours !
Rédigé par : Grey from Paris | 31 janvier 2005 à 21:22