S’il s’en est passé des choses en deux semaines…
En particulier un sympathique dîner, le Grand Duc recevait ce soir là la fine fleur de la blog gentry, floppée de fils de bonnes familles mais fils décadents tout de même. Un Kiki réchappé du supplice taïwanais –il allait, pour se remettre tester quelques jours plus tard la barbaque testostéronée de Miami Beach , une chatte en chaleur, une Martine à la ferme, un chamane amazonien qui affronte les jaguars à mains nues, un photographe-philosophe (ou l’inverse ?) et son amoureux, qui pour être citadin n’en est pas moins urbain.
Habitué des meilleures maisons et des plus grandes tables, je voulais bien sûr l’évènement à la hauteur de la réputation de ces invités. Mais difficile d’organiser, en pleine semaine et après une petite douzaine d’heures de bureau, le coquetèle modèle. Ce fut donc à la bonne franquette, ce qui ne m’a pas empêché de me retourner la rate parce que j’étais incapable de remettre la main sur les coupes en cristal ou par crainte de manquer. Car comme le dit Mammé, si y’en a pas de trop, c’est qu’y en a pas assez. Spontanément, chacun avait pourvu à la boisson et Kiki nous a même ensevelis sous une tempête de macarons Dalloyau. Je crois que tout le monde est reparti l’estomac bien plein (même si bien sûr personne n’a remarqué que j’avais préparé deux sortes de toasts au foie gras, avec ou sans confit d’oignon), avec sa dose de rire et de ragots anecdotes.
J’ai ramé comme un malade face à un Matoo déchaîné, essayant de m’auto-blog-outer devant ma colocataire curieuse de savoir comment nous nous étions rencontrés –je préfère qu’elle reste en dehors de cela. Je pense qu’elle est restée perplexe face à certains échanges (Matoo : « J’ai posté ma photo de CE1 cet aprème » ; le chœur : « oui, on a vu, très marrant »). Elle n’est pas revenue à la charge depuis. Solal : un / Matoo : zéro. On m’a trouvé également insistant avec Jul. Un idée derrière la tête le Sol, a vouloir absolument garder cet éphèbe à dormir chez lui, une fois les fâcheux partis ??? Juste le souvenir cuisant d’une agression, au bout de la nuit, dans un glauque wagon de RER, expérience traumatisante dont il convenait à tout le moins de préserver le frêle enfant. Je ne me serais jamais pardonné qu’il lui arrivât pareille mésaventure. Ses lecteurs et son principal fan non plus, d’ailleurs.
Côté mecs, mon horoscope déconne là. Je soupire devant S, ce garçon qui mêle de façon paradoxale distance et tendresse. Il ne me laisse rien espérer –son honnêteté sur ce plan est louable. Mais je ne peux m’empêcher de quémander, chaque jour que Dieu fait, ma part de lui. Un bisou, une caresse, une petite heure lové à son côté devant la télé à lui bécoter le cou et les mains. Difficile de dire que je m’en contente, mais je n’ai de fait plus aucune envie d’aller voir ailleurs. La dernière fois que je me suis embarqué dans un truc comme ça, j’en ai pris pour sept ans. Sept ans à sourire tristement, à profiter au jour le jour des aumônes d’affection –parfois denses- que Benjamin voulait bien me prodiguer. Sept ans avant de réagir. Cette fois-ci, il faudra se ressaisir plus vite.
Pour couronner le tout, l’Ex –en réfléchissant un peu, je lui ai trouvé un nouveau surnom qui lui va comme un gant : Répudiator-, ce salaud s’est remaqué. Avec un mec que je connais en plus, et que, dans mon souvenir, lui si exigeant, si impitoyable, il ne tenait pas en haute estime. J’ose espérer qu’il a juste envie de se taper un jeune cul frétillant. Détail croustillant : S. est aussi sorti quelque temps avec lui. Je crois qu’il n’en pense pas plus de bien que moi, ça me rassure sur mon compte.
Sinon, la Mammé de Mammé est à l’hôpital. Trois semaines de rétention entre quatre murs blancs, trois semaines de dîner à dix-huit heures, trois semaines de barquettes de carottes râpées et de crème caramel gélifiée. Elle est prise en charge dans un hôpital parisien. C’est l’avantage, je peux lui rendre visite presque chaque jour. Ses yeux, martyrisés par les scalpels, noyés de baumes et de collyres, laissent filtrer chaque matin un peu moins de lumière, un peu moins de couleur. Elle reste vaillante, malgré les piqûres sous la paupière, les perfusions qui la bloquent sur son lit comme une grabataire alors qu’elle a, à soixante-douze ans, un corps et un cœur en pleine forme. Elle s’emmerde et elle doute. Elle si costaude, si optimiste, elle ne s’empêche plus de craquer quand elle revient de la visite quotidienne. Un peu moins d’acuité, un peu plus de douleur. Des larmes qui viennent encore plus brouiller sa vue. Coquin de sort, c’est presque toujours à ce moment que j’arrive dans sa chambre. Difficile d’être réconfortant sans être hypocrite surtout que, passé moi aussi par les affres de la chirurgie oculaire, je sais à quoi m’en tenir. Alors je prends juste ses mains dans les miennes puis je la serre dans mes bras.
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