Je vis des journées exaltantes. Des instants d'émotion triste ou réjouissante, des moments de réflexion intense et fructueuse qui m'amènent en des recoins jusqu'alors inexplorés de mon esprit. Mais qui me laissent pantelant, vidé de mon énergie. Comme après un orgasme.
Au menu des réjouissances ? Par exemple une rencontre avec des femmes. Des qui se battent pour leur dignité dans leur quartier pourri, des qui se bougent –et tentent de bouger les autres- afin que leurs sœurs et leurs filles s'en sortent, ne soient plus battues, excisées, violées ou mariées de force. Je me sens petit, inutile et décalé. Elles attendent du soutien, des coups de pouce. Ca fait du bien à l'âme d'être regardé ainsi, c'est une tâche immense aussi d'être à la hauteur de leur espoir. L'une d'elle me refile le dossier d'une pauvre nana, excisée de force, brisée par les trois ou quatre hommes en qui elle avait placé sa confiance et qui l'ont à chaque fois abandonnée plus riche d'un ou deux enfants; enfants elles-mêmes désormais kidnappées par sa famille et qui risquent à leur tour l'excision. L'occasion de flatter enfin mon orgueil de jeune idéaliste, qui durant toute sa jeunesse a rêvé de vies à sauver, de détresses à soulager –histoire d'avoir le beau rôle, d'être le gentil, et de laisser, à son échelle, son empreinte dans l'histoire de l'humanité. Mais voilà, quand ça arrive vraiment, on se sent tout démuni. Un peu comme le chirurgien débutant devant sa première péritonite. Si ça marche, je sais que je serai très heureux, peut-être même fier. Mais il ne faut pas que ce soit ma motivation première, bien trop triviale. Il faut le faire pour elles, parce qu'il le faut, point barre. Relire Kant. Relire Kant.
J'ouvre aussi un chantier avec mon collège et mon lycée de banlieue, terre de mission pour éveiller mes dignes successeurs dans ces locaux qui suintent l'ennui et la désillusion aux joies d'un futur d'autant plus riant qu'il sera professionnel. Dessiller les yeux de ces ados, si précoces dans certains domaines, si immatures pour les choses qui comptent vraiment. Les ouvrir au monde, aux autres. En sauver ne serait-ce que quelques uns de la beaufitude et de la médiocrité qui les attendent à coup sûr dans ces barres de béton. C'est encore très présomptueux de ma part, je sais. Tant mieux pour ceux auxquels ça profitera.
Quand le boulot et mes œuvres ne m'accaparent pas, c'est à d'autres petites morts que j'ai droit. Avec un garçon intelligent, pétillant et un peu rugueux.(j'aime) Pardonnons-lui ses mauvaises fréquentations, il sauve sa place au paradis avec moi. Faut pas trop que je la ramène, il me considère comme un pervers exhibitionniste, depuis qu'un soir je me suis oublié devant une ouaibecame opportunément branchée –il n'a pas craché (quoique ;-) sur le spectacle. Mais la récente note d'un congénère relatant nos aventures à Bois-d'Arcy a de nouveau planté la plume dans la plaie. "Tu vois, t'es qu'un gros pervers, tu peux pas t'empêcher de te déssaper dès qu'il y a des mecs qui tournent autour de toi !!!". J'ai plaidé non coupable, circonstances atténuantes, la sueur qui imbibait mon t-shirt, la ceinture du fréquencemètre qui enserrait mes pecs. Ca l'a moyennement convaincu, je crois. Si les paparazzi voulaient bien lui transmettre, par mon intermédiaire, quelques unes de ces chastes images, je leur en saurait fort gré et lui même ainsi rassuré.
PS : je voulais poster cette note hier, mais me suis ravisé au dernier moment. Etait-il vraiment judicieux, ce titre, juste avant de prendre l'avion ? Sursaut de superstition, peur qu'il se révèle a posteriori prémonitoire. Je suis revenu entier, un peu fourbu –finalement, on est plutôt mal vautré dans un jet… la suite au prochain numéro.
Je rêve... moi, une mauvaise fréquentation !
Rédigé par : Paumé | 22 septembre 2004 à 08:29
un messie marathonien...? Surprenant.
Rédigé par : tryptan | 22 septembre 2004 à 21:40